RENAISSANCE

« Le Vignoble, à l’aube du troisième millénaire »

Pendant tout le siècle précédent, après que le grand vignoble eut totalement disparu, l’agriculture et l’élevage se répandirent uniformément sur tout le territoire du village.

Terroir difficile, climat rude, mécanisation indispensable pour se maintenir, les contraintes économiques de l’agriculture moderne ont abouti à un inéluctable regroupement des terres pour rationaliser les exploitations, chez nous. Plus généralement, hélas d’ailleurs, le XXème siècle aura vu la disparition des petites fermes sur tout le territoire français, bien présentes encore dans l’entre-deux guerres. Celles et ceux qui y travaillaient formaient encore l’essentiel de la population de notre belle France, il y a un demi siècle.

Nous n’avons pas échappé à ce phénomène : il ne reste plus à Vaux, en cette aube de troisième millénaire, qu’une seule grande ferme, dont les exploitants habitent le village et vivent encore directement des revenus de leurs terres et de leur travail.

Nos autres voisins villageois travaillent ailleurs, dans l’industrie, le commerce ou le tertiaire : il n’y a plus d’économie locale générée par d’autres activités, dans le village.

C’est véritablement à la fin des années 1990 que s’esquisse une idée : pourquoi ne pas faire renaître un vignoble à Vaux.

Une renaissance est toujours porteuse de bienfaits : historiques, culturels, relationnels, fédérateurs.

Cette idée était chère à notre Maire, Monsieur Claude Marie, dont les ancêtres avaient été, en leurs temps, des viticulteurs. Elle n’était pas facile à mettre en œuvre, car, le profil cadastral du lieu sur lequel s’étendait le grand vignoble autrefois, ne se prêtait plus à une telle expérience.

Le remembrement de 1991 donna l’occasion d’une redistribution plus rationnelle des terres, et, à nouveau, de belles parcelles, placées là où il faut, pouvaient être disponibles pour cette renaissance.

Monsieur Claude Marie se rapprocha alors de Monsieur Michel Royer, qui, lui aussi, dans la région, s’intéressait vivement aux vignobles d’hier, et dans tout le canton d’ailleurs. Ce projet était devenu commun ; on sait que d’autres villages étaient également candidats à une telle renaissance.

Nous savons aussi que cela ne pouvait être fait qu’à titre expérimental, la plantation d’une vigne est en effet très réglementée, quelle que soit la région, de nombreuses autorisations seraient nécessaires…si le projet aboutissait.

Un long travail commence alors : repérage des lieux possibles dans le village, sur la côte de la Rippe en particulier, où se situait la majeure partie de l’ancien grand vignoble. En cet endroit, les critères imposés étaient remplis : exposition sud, situation mi-côte pour bien recevoir le soleil, accès facile pour un tracteur enjambeur (rendu possible après que le chemin d’accès eut été construit, à la suite du remembrement).

Des analyses de sol eurent lieu, à plusieurs profondeurs, desquelles dépendraient les cépages à utiliser.

Vaux-sur-Saint Urbain possédait en plus une caractéristique géographique naturelle avantageuse par rapport à d’autre villages, également candidats à cette expérience. La vallée du Meurjet est en effet « fermée » par un goulot du à un éperon naturel, en repartant sur Donjeux/St. Urbain. L’air chaud accumulé dans la journée stagne, s’échappe moins vite, même la nuit, où les pierriers nombreux de la côte le restituent, luttant ainsi naturellement contre d’éventuels vents plus froids, venus du nord.

Les conditions optimales nous semblaient favorables…

Après moultes commissions, réunions et discussions, et après que l’ONIVINS eût vérifié, une préférence pour la commune de Vaux-sur-Saint-Urbain s’est dessinée et, retenue ensuite, les autorisations nécessaires pour replanter un « vignoble » à titre expérimental et culturel furent obtenues. Trois cépages correspondant à la nature de notre terre furent préconisés :

Chardonnay blanc ; Pinot Meunier noir ; Pinot Noir.

Il ne fallait pas seulement lancer le projet, il fallait maintenant le réaliser…

La vigne (Septembre 2004)


Nous l’avons dit, ce vignoble ne pouvait être replanté, que très petitement, et avec un caractère expérimental et dans un esprit culturel. Seule, une formule associative nous permettrait de satisfaire à ces exigences viticoles, culturelles, juridiques, sociales et fiscales de tout poil…

Entre-temps, Monsieur Claude Marie, très soucieux de la renommée historique du village dont il est le premier magistrat, très engagé aussi dans la réussite de ce projet, un « rinacimento » du village, et nous l’en remercions ici très vivement, proposait l’une de ses parcelles situées sur la côte, pour la plantation des ceps, à laisser à disposition d’une association, créée pour ce faire, sous forme de bail emphytéotique.

Une association a donc été fondée : elle se nomme « Le Belon du Haut-Perthois ». Le belon est un récipient qui servait jadis au transport du raisin vendangé, de la vigne au pressoir. Perthois, vient de Perthes, nous avons vu ce nom dans une chronique précédente, une « Sous préfecture » romaine. Perthes, ville gauloise avant la conquête, avait donc donné son nom sous l’empire à une division administrative de la région : le « Pago Perthensi ». L’adjectif « haut », qualifiant le Perthois dans le nom de notre association, rappelle bien sûr la position géographique de notre village dans cette région, comparée aux alentours de Perthes, situé dans une plaine, plus basse bien évidemment, qui s’étend à perte de vue.

Monsieur Jean-Marie Dutilleul précise, en passionné d’histoire, que le Perthois était une province de Champagne avant la révolution, et qu’en 1790, lorsqu’à été formé le département de la Haute-Marne, ce nom a été conservé. Il nous dit aussi qu’il était judicieux, pour les fondateurs de notre association, de s’approprier un peu du prestige viticole attaché à la Champagne, si quelquefois, un jour, nous faisions pétiller notre vin…faisait remarquer, cette fois, le Président de l’association ainsi créée, Monsieur Claude Marie, à l’époque, durant une réunion.

L’association, à caractère expérimental et culturel est donc créée…. il faut maintenant planter…et construire un Chai, espace indispensable pour presser et vinifier les jus…

Il était nécessaire d’obtenir simultanément les soutiens financiers indispensables à la réalisation de ce projet, ce qui fut chose faîte. Commune, Département et Région nous aidèrent volontiers.

Avec un système de « Parrainage » des pieds de vigne, l’association commença donc à vivre, concrètement, dans tous les sens du terme, chacun apportant sa contribution financière à l’édifice qui se construisait.

Les pieds de vigne furent plantés dès 1998. Environ 1700, dans les trois cépages dont nous parlions plus haut Suivit l’installation de tous les piquets et fils qui permettraient aux ceps d’être palissés le moment venu.

Le chai s’est construit peu à peu, son inauguration officielle se tint en 2002.

Du matériel important était nécessaire ; l’association fit l’acquisition, année après année, d’un tracteur chenillard avec pulvérisateur, puis de cuves, de fûts, de pressoirs, un traditionnel et un plus moderne dans son fonctionnement.

Eu-égard aux sommes investies, et des comptes à rendre à tous, une gestion rigoureuse fut immédiatement mise en place : travaux à la vigne, avec l’aide ponctuelle d’un salarié le cas échéant, vendanges, presse des grappes, suivi des jus, mélanges, secrétariat, comptabilité, contrôle des comptes, Maître de Chai.

C’est véritablement une petite exploitation qui est née, orchestrée par des bénévoles, « qui ne comptent pas leur temps, que de talents ont été découverts depuis » nous le disions dans nos propos liminaires.

Nous avons été récompensés.

La première année de récolte en 2000, nous apporta environ 300 litres de jus. Vaux a donc une première cuvée, le « Millénium », les trois cépages mélangés, pour le souvenir…

En 2001, ce sont 900 litres de jus environ qui ont été récoltés. Ils ont été distribués séparément par jus de cépage à chaque Parrain, sans être assemblés.

En 2002, c’est environ 1300 litres qui furent obtenus après la presse. Assemblés, ils ont été distribués à leurs attributaires au courant de l’été 2004.

La récolte 2003, l’année de la grande canicule, attend paisiblement sa distribution dans les cuves, 900 litres environ. Nous verrons ce que la vendange 2004 produira…

Il fallait lancer le projet ; il est en route ; longue vie à lui.

Il permet de se connaître mieux, de se retrouver, d'apprécier d'être ensemble. Quelle que soit la participation de chacun, et la plus petite est la bienvenue, quelle que soit sa nature en temps, travail physique ou administratif, c’est une œuvre commune.

Soyons attentifs à toujours conserver une bonne harmonie dans cette association. Elle doit être un exemple, pour d’autres qui voudraient en faire de même. Elle doit aussi être le point de départ d’une certaine nouveauté de vie dans le village (comme dans d’autres villages et villes beaucoup plus généralement d'ailleurs le tissu associatif est toujours fédérateur) : le XXème siècle n’a pas toujours été un exemple « d'entente cordiale »…et partout…

Nous devons nous préoccuper maintenant de son aspect « culturel » pour répondre à une de nos autres missions : réapprendre aux jeunes de nos contrées ce qu’étaient nos villages et leur importance au temps de leurs arrières (voire arrières-arrières) grands-parents, ce qu’étaient leurs travaux, et combien notre terre « peut être riche de ses fruits »…Il faut organiser visites de la vigne, visites du chai, petits cours sympathiques (mais néanmoins imprégnés d’histoire) sur la vigne et le vin…Nous sommes certains qu’ils seront passionnés…

Tel était aussi notre but en « compilant » pour vous ces quelques chroniques sur l’histoire de notre village, le centre du monde…bien évidemment…pour nous…

Nous espérons de tout cœur avoir réussi, au moins de temps à autre…sans vous avoir trop tôt endormis…

Octobre 2004

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