L’ÉPOQUE DU GRAND VIGNOBLE
ou
"LA GRANDE SERENNITE"
Dans un passionnant ouvrage concernant une étude statistique sur le Canton de Doulaincourt et destinée au Comice Agricole, Monsieur Charles Demimuid, Instituteur à Saint-Urbain, nous donne de précieuses indications sur le profil de notre village dans les années 1875. Les chiffres sont quelquefois rébarbatifs, mais point ici : leur lecture nous amène à parfaitement imaginer notre village, tel qu'il fut à l'époque du grand vignoble, avec toute les activités qui l'animaient. Nous y avons ajouté quelques informations concernant le remembrement de 1991/1992, qui permettent d'apprécier l'énorme changement de physionomie de Vaux, en cent vingt ans.
Le coteau de La Rippe à l'époque du grand vignoble.
En voici l'essentiel concernant notre commune :
Population : 275 habitants; Nombre de ménages : 109 (on disait feu sous l'ancien régime)
Nombre d'élèves à l'école du village : 32.
Superfice Communale
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Remembrement de 1991
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Total : 630 ha |
619 ha |
Terres labourées : 325 |
Terres labourées : 325 |
Vignoble : 132, le 3ème du canton, il atteindra 200ha31 en 1882 |
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Jardins, vergers, chènevières : 6 |
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Bois: 40 |
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Plantation ?: 44 |
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Sapin: 24 |
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Friches: 28 |
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Sol bâti: 1,5
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Eau, chemin, routes, places etc ... : 13,5 |
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Profil cadastral
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au moment du remembrement de 1991
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Nombre de parcelles 4323 |
Nombre de parcelles 3816 |
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après le remembrement : 284 |
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de - de 1 ha : 4310 |
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de 1 à 5 ha : 9 |
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de 5 à 10 ha : 4 |
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+ de 10 ha : 0 |
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Matériels agricoles inventoriés :
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Animaux domestiques :
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2 charrues perfectionnées |
17 chevaux |
2 charrues vigneronnes |
26 vaches |
5 charrues "du pays" |
6 génisses/taurillons |
4 herses en fer |
2 veaux |
10 herses en bois |
2 béliers |
4 rouleaux en bois |
140 brebis |
8 voitures à 2 roues |
50 moutons |
3 chars à 4 roues |
80 agneaux |
4 machines à battre |
58 cochons |
4 cylindres |
1 bouc |
1 machine à battre le grain, actionnée par le Meurget |
18 chèvres. |
Vaux possédait déjà ses trois fontaines et son lavoir.
Les trois chemins vicinaux reliant notre village à ses voisins n'étaient encore pour la plupart que des chemins de traverse puisque on nous signale :
- De Vaux à Domrémy : à construire
- De Vaux à Maconcourt : à construire ; en construction depuis Maconcourt
- De Vaux à Donjeux : en construction, pour faire la jonction avec celui qui allait de Saint-Urbain à Vaux, qui lui était déjà "à l'entretien" ; en construction aussi depuis Donjeux.
Enfin, Monsieur Demimuid nous donne la liste des cépages utilisés dans le vignoble :
Noirs : Blancs :
Petit Gamay (55 %) Blanc pineau; Gros Gamay (35 %) Blanc Gamay; Pineau de Bourgogne Obier; Noirien du Languedoc Gouais blanc; Troyen Chasselas (table); Dameron; Gouais noir, Teinturier, Pineau Gris
Les limites de la commune sur le cadastre de 1830
Le plan du village sur le cadastre de 1830.
On peut y repérer les maisons qui ont disparu, et celles qui ont été bâties depuis le règne de Louis-Philippe.
Après une lecture attentive de ces chiffres, ce qui frappe tout d'abord est la diminution très conséquente de la population sur environ 30 ans. De 330 habitants vers 1843 / 1845 il ne reste plus que 275 âmes en 1875 : - 16 %. (voir tableau INSEE *)
La raison n'en est pas les conséquences néfastes de la guerre récente avec nos voisins. En effet, un phénomène inexorable commence dans les campagnes, et partout en France : la désertification rurale; qui a continué encore bien longtemps. Fort heureusement, la situation semble maintenant se stabiliser.
Nous arrivons tout juste dans une époque où, après de longs siècles de vie de dur labeur, de vie simple, les populations rurales sont attirées par le développement galopant de l'industrie (dans notre région la métallurgie), et par les grands travaux des chantiers publics (routes, rails, canaux).
Les ouvriers agricoles, travaillant (ou corvéables) depuis des siècles pour un salaire de misère, d'abord pour un Seigneur, ensuite pour de plus petits propriétaires, ou pour eux-mêmes après la redistribution des terres en 1791- ont commencé à fuir les travaux des champs pour une autre laborieuse condition, en usine ou pour l’État, sur les grands chantiers nationaux et locaux en cours de réalisation, en grande partie commencés sous le règne de Napoléon III, mais plus rémunératrice. Ils espèrent un jour gagner la ville où tout semble plus facile....quelquefois même être embauchés là où ils ont travaillé.
Partie à la ville ou dans les grands bourgs voisins, itinérante quelquefois, cette population migrante diminue le nombre des habitants fixes des villages, principalement des ouvriers, mais d'un autre côté, elle reste forte consommatrice des produits locaux.
Vaux n'a pas échappé à ce phénomène, mais, paradoxalement la surface du vignoble s'agrandit, les maisons se construisent toujours, certaines avec des façades très élégantes. Nous pouvons citer ici Monsieur Georges Duby, professeur au Collège de France, qui, dans son Histoire de la France rurale (1789/1914) note :
"Une période assez exceptionnelle s'ouvre avec le Second Empire. Non pas tant du fait du nouveau régime, mais surtout parce qu'une conjoncture particulièrement favorable avantage de monde rural. Le marché intérieur s'élargit sans cesse, et la production alimentaire parvient à y répondre grâce aux progrès techniques, et les prix agricoles montent. Comme en ce même temps, l'exode rural diminue le nombre des co-partageants de ce revenu, le niveau de vie de la paysannerie s'est nettement amélioré... c'est une période incontestablement heureuse..."
Nous l'avons déjà dit, cette situation entraînera une vie plus aisée dans le village, les dons à l'Église ne manqueront pas, et même jusqu'au tout début du XXème siècle (vitraux).
Outre la vigne, nous y reviendrons plus tard, les produits locaux fournissent naturellement de quoi se nourrir en tout, et permettent de commercer avec l'extérieur. Notre village ne manque jamais d'eau : trois fontaines, (dont une au lavoir), des puits, le Meurjet.
Lorsqu'on regarde la liste des animaux domestiques recensés dans notre village à cette époque, excepté les chevaux qui travaillent aux champs, et les volailles omises dans ce décompte, mais que l'on peut imaginer un peu partout le long des habitations côté rue, et derrière, dans les jardins, on voit leur diversité.
Un élevage, encore très pastoral certes, mais qui fournit toute sorte de viande et de produits annexes (laits et fromages, laine, viande à saler qui se conservera pour l'hiver) que l'on consomme sur place et dont on vendra le surplus.
La vie est très active à Vaux : on y trouve, comme dans beaucoup de villages alentours, de nombreux artisans, signes de la vitalité du pays et de la diversité des activités : charrons, cordonniers, maréchaux-ferrant, apiculteurs, sabotiers, bourreliers, tisserands, bouchers, taverniers, bouilleurs de cru, boulangers, épiciers, maçons, carriers, et bien sûr, agriculteurs et viticulteurs dont les exploitations sont plus ou moins importantes.